Paroles d'experts autour de la LMC

Le Professeur Mauricette Michallet

Les progrès thérapeutiques actuels : quelles perspectives?

Professeur des Universités, praticien hospitalier, le  Professeur Mauricette Michallet est chef de Service d’hématologie clinique au Centre hospitalier Lyon-Sud.

Elle possède une expertise de plus de trente ans en hématologie.

Les médicaments actuels procurent ce que l’on pourrait qualifier de perspectives de guérison, sans que l’on puisse cependant prononcer ce mot de guérison seul puisque les patients ne sont pas indépendants de leur traitement ni à l’abri d’une rechute. Mais la publication d’études françaises sur l’arrêt des médicaments montre qu’un changement de paradigme est réel. Le suivi des marqueurs moléculaires est essentiel. L’enjeu des traitements est l’atteinte d’un niveau de réponse élevé signant une réponse complète et une absence de maladie.

Un enjeu à l’avenir : pouvoir prédire quels patients vont rechuter

On observe qu’environ 50% des patients en réponse complète après traitement par les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) de première génération rechutent. Mais on ne connaît pas aujourd’hui les facteurs prédictifs. Nous savons que des cellules souches leucémiques, non quantifiables et quiescentes, peuvent demeurer dans des sanctuaires que l’on ne sait pas atteindre. Ce sera l’enjeu des thérapeutiques à venir.

Ce qui doit aider les patients est de savoir que 50 % ne rechuteront pas à l’arrêt du traitement. Nous restons bien entendu très vigilants, mais le temps passé sans maladie est le meilleur critère pour conforter la guérison. Il faut rassurer les patients, les faire vivre le plus normalement possible et profiter de la vie. Nous constatons malgré tout une évolution psychologique de nos patients, parfois dominée par des effets secondaires des traitements.

Ces progrès thérapeutiques font aussi évoluer les relations avec les patients. Nous devons mener une réflexion autour de la notion de guérison. Les avancées récentes apportent de l’espoir aux patients nouvellement diagnostiqués. Mais n’oublions pas les anciens chez lesquels nous avons exploité toutes les stratégies. Nous avons un rôle à jouer pour ces cohortes de patients afin de les déchroniciser. L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques reste un objectif et une attente forte pour ceux pour lesquels les traitements actuels ne donnent pas de résultats optimaux. Il y a besoin de travailler sur la notion de guérison en se projetant vers l’avenir. Certains patients ont une réelle possibilité de guérir mais n’arrivent pourtant pas à chasser l’idée qu’ils sont et restent des malades.

Aller vers une autre façon de gérer la maladie

Les ITK de deuxième et troisième générations apportent une réponse optimale plus rapide. C’est bien la corrélation de cette réponse complète rapide avec son maintien à long terme qui valide la perspective d’un arrêt du traitement.
Certains patients savent qu’ils peuvent évoluer vers la chronicité. Ainsi le groupe Fi-LMC constate que ces patients traités par ITK de première génération peuvent rester équilibrés sur le long terme ; mais cet inhibiteur, par sa réponse moins rapide,
ne peut rendre envisageable un arrêt de traitement chez tous les patients dans le
futur.

Certains anciens patients parviennent à une réponse moléculaire optimale, parfois de façon discontinue dans le temps. Ils comprennent qu’ils ne pourront pas arrêter le traitement mais le vivent bien. D’autres refusent eux-mêmes d’arrêter ; ayant vécu un miracle avec un ITK de première génération, ils se satisfont tout à fait de ce bénéfice.

L’émergence de nouvelles attentes

Nous voyons se manifester chez les nouveaux patients la demande de l’obtention d’une réponse optimale rapide. Ces patients ne veulent pas envisager quinze années de traitement ou alors ils accepteraient par défaut un long traitement mais suivi de façon discontinue. Comment répondre à ces attentes ?
Le critère de décision d’arrêt de traitement repose sur la valeur et le suivi des marqueurs moléculaires. Mais nous ne voulons pas prendre de risques. Hier, 100% des patients évoluaient vers une acutisation en leucémie aiguë de leur maladie, aujourd’hui le taux d’acutisation est de 5%. Nous avons donc progressé dans la compréhension de la LMC. Mais en attente d’identification des facteurs déclenchants et de risques réels, il faut savoir mesurer toute la responsabilité que représente l’arrêt du médicament en cas d’apparition d’une acutisation après l’arrêt du traitement. Ceci freine la prise de décision d’arrêter. Donc, nous ne l’effectuons que dans le cadre de protocoles sous haute surveillance.

Il y a trois enjeux prioritaires :

• l’arrêt des traitements pour une majorité de patients ;
• la prise en charge des patients jeunes en leur faisant vivre une réelle guérison en toute indépendance des traitements. La Journée nationale sera un événement fort.
• la réhabilitation : cette démarche devrait procurer un nouvel élan vital aux
patients tout en tenant compte de leurs problèmes spécifiques.

 

Extrait du Livre Blanc des États généraux de la LMC