La fatigue chez les patients atteints de LMC*

*Leucémie Myéloïde Chronique

LA FATIGUE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE LMC (LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE)

Par Mina Daban, Présidente LMC France


L’asthénie, communément appelée fatigue, est un symptôme fréquent. Elle est différente de la fatigue dite normale suite à un effort physique ou intellectuel intense qui disparaît en se reposant. En revanche, l’asthénie est une fatigue anormale qui perdure malgré le sommeil et le repos (ou lorsqu'elle ne disparaît que partiellement). Elle provoque ainsi la sensation désagréable et pénible d’être incapable de mener à bien ses activités quotidiennes. La personne souffrant d’asthénie ressent ainsi un déséquilibre entre ce qu’elle doit accomplir et ce qu’elle se sent capable de faire. Les personnes sous traitement sont majoritairement exposées à ce problème.

 

C’est pourquoi, l’association LMC France, fidèle à ses engagements, a tenu à donner la parole à sa communauté de patients autour du thème de la fatigue : “ La fatigue, qu’est ce que ça vous évoque ? 

La fatigue reste en effet l’un des premiers effets secondaires constatés par les patients atteints de Leucémie Myéloïde Chronique (LMC). C’est donc afin de connaître et comprendre le ressenti de chacun sur la fatigue, pendant le traitement, mais aussi pendant l’arrêt de traitement, que nous avons mis à disposition des patients un espace sécurisé d’expression sur le forum LMC France mais aussi par mail et lors de rencontres LMC France.

L’objectif était que les patients décrivent la fatigue avec leurs propres mots.

 

Depuis  Septembre 2018,  les patients atteints de LMC ont partagé leur ressenti dans les différents réseaux que nous avons mis à leur disposition.

 

Lassitude, faiblesse, perte de force, inefficacité intellectuelle, épuisement, manque de ressort ou d’énergie, impression de lourdeur, d’être "lessivé", épuisé, "vidé"… Il existe bon nombre de termes pour exprimer la fatigue, mais c’est avec leurs propres mots que les patients atteints de LMC ont le mieux décrit leur ressenti de la fatigue liée à leur traitement.

 

« Les différents ITK, mis à notre disposition à l'heure actuelle, ne sont pas de l'eau pure, nous réagissons tous différemment bien sûr, les démangeaisons, les cheveux, la peau, les diarrhées, les yeux gonflés, les douleurs articulaires etc...etc... Par contre, un facteur reste constant : "LA FATIGUE". Vaste sujet de réflexion, de suppositions, d'interrogations...pour des personnes jeunes, moins jeunes, engagées professionnellement, avec familles, enfants, comment " LA GÉRER" ?
Mina Daban, Présidente de l’association LMC France, avec sa longue pratique et son expérience personnelle ne s'est pas trompée en nous proposant ce sujet. »

UNE FATIGUE IMAGÉE, PERSONNIFIÉE…

-          « La fatigue, une lame de fond qui vous entraîne alors que vous êtes à la surface de l'eau. Rien à faire sinon accepter de se laisser porter pour mieux renaître au creux du flot de votre vie.... »

 

-          « La fatigue, sournoise, s'infiltre en nous pour ne plus nous quitter. 3 ans que je me bats contre elle et qu'elle gagne et m'entraîne vers le fond telle une enclume autour des chevilles. »

 

-          « La fatigue, une amie fidèle, qui ne me lâche pas; je ne la connaissais pas avant la LMC. Aujourd’hui, elle me colle à la peau comme de la glue. »

 

-          « Au réveil, j’ai l’impression de tirer un poids lourd, d’avoir 80 ans. Cette intense fatigue est insupportable car elle n’est pas liée  à une activité ou à une soirée… »

 

-          « La fatigue est un redoutable  tyran qui ne laisse aucun répit Elle est là pendant les repas de famille, durant les sorties, même quand je me repose sur le canapé. Elle est encore là, à mon réveil le matin.»

UN CHAMBOULEMENT AU QUOTIDIEN

La fatigue bouleverse le quotidien, elle peut engendrer chez certaines personnes le sentiment de perte de leur identité, il existe un réel fossé entre ce que désire l’esprit et ce que permet le corps.

 

-          « Pour moi, certains jours cette fatigue me terrasse, ma tête voudrait faire tellement de choses dont j’ai envie mais mon corps n’y arrive pas à tel point que cette lassitude est tellement intense que je craque ! Je ne suis plus moi-même, qu’est devenue la femme dynamique que j’étais ? »

 

-           « J'ai 45 ans et l'impression de vivre dans un corps qui en à 80. » 

 

-          « Je n'ai plus l'énergie qui me caractérisait avant. »

 

-          « Cette fatigue chronique, due à mon traitement, a bouleversé ma vie : se dire que ce n'est pas dans la tête, apprivoiser ce nouveau corps et trouver les ressources pour la combattre pour mener une belle vie. »

 

-          « J’ai vu ma vie basculer dans une autre dimension à partir du moment où j’ai pris mon traitement pour la LMC. Mon corps, mon esprit ne m’appartiennent plus vraiment. Douleurs osseuses, fatigue intense, difficulté de concentration, personne ne s’en soucie car cela ne se voit pas. Le dire à qui ? Quels mots peuvent décrire ce mal ? Comment se plaindre alors que nous avons une chance immense d’être soigné ? »

LA FATIGUE, UN SYMPTÔME INVISIBLE

L’impact sur la vie professionnelle

 

-          « La fatigue me terrasse tellement que j’ai demandé un aménagement de poste »

 

-          « Atteinte de LMC depuis avril 2016, cadeau pour mes 50 ans, je n’ai toujours pas repris mon travail !!! Il faut dire que j’ai un métier que j’aime mais si difficile, aide soignante en gériatrie !!! »

 

-          « Les jours où je travaille, je ne suis  pas à 100% de mes capacités (je travaille sur ordinateur, ce n'est pas physique), je n'arrive plus à me concentrer comme avant. Une impression de cerveau embrumé... C est difficile à supporter ce changement. »

 

-          «Faire comprendre à mon responsable que non je ne peux pas travailler plus, c'est compliqué. Oui j'ai l'air bien. A tel point qu'il m'arrive de me sentir coupable de ne pas travailler plus (je suis à 50%, en invalidité depuis juillet) mais cette chape de fatigue s'abat d'un coup sans qu'on sache pourquoi. Pas forcément lorsque les journées sont le plus chargées d'ailleurs... la sieste peut même s'imposer dès 9h00, une fois les enfants déposés  à l'école... »

 

-          « Je suis sous traitement depuis 15 jours. Depuis le premier jour je suis fatigué et maintenant en arrêt de travail. J'ai du mal à imaginer pouvoir travailler avec cette fatigue lancinante. Comment font les personnes qui ont des responsabilités ? »

L’impact sur sa vie sociale et familiale

 

-             « Parfois, le sourire de façade est le seul moyen de faire face à l’incompréhension de son entourage. »

 

-          « La fatigue... toujours là mais invisible. Faire comprendre à ses enfants que non, aujourd'hui je ne peux pas jouer au foot avec eux, que j'ai besoin d’une sieste, c'est douloureux. »

 

-          « Souvent incomprise de notre entourage, on continue à sourire et à  faire comme si tout allait bien, laisser tomber sa garde quand on est seul et laisser sortir mon désespoir. J'ai 45 ans et l'impression de vivre dans un corps qui en à 80. Elle me pourrit la vie au quotidien et malgré tout, j'essaie de continuer à avancer. »

 

-          « Il faut que j'ai la pêche face aux élèves et faire semblant, c'est parfois douloureux.
Je n'ai plus l'énergie qui me caractérisait avant et je me demande comment font les jeunes parents atteints de LMC pour tenir le coup face à leurs enfants. Je vous admire. 
J'ai la chance d'être très bien entourée et secondée par ma famille, mais je ne m'autorise pas encore les siestes 
L . On a l'air d'être bien mais on a tellement envie de dormir parfois à peine levée le matin, tous les micros réveils de la nuit exacerbent cette fatigue.»

DES QUESTIONNEMENTS

-              « Ce que j'aimerais comprendre, c'est : Est-ce la maladie qui engendre cette fatigue ou le traitement ou le fait de se savoir malade ou tout en même temps ? »

 

-          « Il y a des jours où ça va, la fatigue est toujours sournoise, mais je gère ! Quels sont les facteurs déclencheurs?  Je ne sais pas, mais en tout cas ça me bouffe la vie !!! »

 

-           « Bienvenue au club ! J’ai l’impression de me relire il y a un an .... Professeur, j’ai lutté, lutté contre la fatigue ne voulant pas m’arrêter, pensant pouvoir tout gérer ! C’est mon médecin traitant et mon hématologue qui m’ont conseillé l’arrêt (deuxième cancer en 5 ans ). 

FACE AUX LENTEURS ADMINISTRATIVES

-             « La fatigue, état que je ne connaissais pas avant 2018... J'ai été diagnostiquée LMC pour mes 60 ans en avril 2018 et c'est la fatigue intense qui m'a fait consulter.
Je suis professeur d'EPS dans un lycée et je souhaite continuer de travailler à temps partiel à 70% pour le moral. J'ai fait une demande en juin et j'attends !!! Vive l'inertie de l'administration ! J’ai donc repris à temps complet depuis fin août et je ressens déjà la fatigue dans ma tête, dans mes yeux et dans mon corps quand je fais un effort physique. »

 

-          « J'ai fait toutes les démarches avec un arrêt maladie du 27 au 30 août avec journée de carence...., car une circulaire de mai 2018 stipule qu'une seule journée  d'arrêt suffit pour enchaîner avec un temps partiel thérapeutique. Cela devait être effectif dès la rentrée, mais là il ne se passe rien !! Ce sont mon hématologue et mon médecin traitant qui m'ont conseillée de demander de m'arrêter.  J'ai refusé l'arrêt complet et là j'attends .... la convocation chez un médecin agréé pour obtenir ce temps partiel.  En fait c'est la loi du tout ou rien qui me chagrine. J'espère une réponse "rapide" cette semaine. »

L’ACTIVITÉ PHYSIQUE COMME EXUTOIRE

-          « C'est dans le sport que j'ai trouvé les meilleures armes pour me sentir bien dans mon corps et ma tête : yoga quotidien, renforcement musculaire et golf (pour l’avantage de marcher 8 à 12 km en se concentrant tout en étant relaxé ...). »

 

-          « Apprendre à vivre avec cela va être un apprentissage long et difficile, en plus du reste,
continuer à faire du sport est indispensable selon moi ainsi que le yoga, la sophrologie et apprendre à prendre soin de soi ! »

FACE A LA FATIGUE, GARDER LE SOURIRE ET LE MORAL

-            « Malheureusement, les effets secondaires me gâchent aussi la vie œdème, diarrhée, crampes, douleurs articulaires, le tout accumulé fait beaucoup, mais bon, je positive et le moral est là. »

 

-          « A l’annonce de la maladie, j’ai lu « la princesse aux coccinelles »* à mes enfants de 2 et 5 ans. Mon grand m'a dit que ce n'était pas possible que je sois comme la princesse, car je n'avais pas perdu mon sourire. Ce sourire fait oublier aux autres la maladie. »

*Livre écrit par Mina Daban, Présidente de l’association LMC France

 

-          « Ah la fatigue !!!  Mon compagnon de vie depuis plusieurs années. Mais tout le monde est fatigué dans la vie non ? ;-) »

SORTIR DU TUNNEL

-          « Mes Ami-es Coccis, votre doyenne vous dit "UNE CHOSE", surtout pas de CULPABILITÉ, c'est un mot à rayer de votre vocabulaire OK?? Nous n'avons pas choisi cette cochonnerie qui nous est tombée un jour sur le coin du nez, donc il nous faut l'affronter du mieux que nous pouvons avec courage. Beaucoup d'entre vous réagissent bien, oui, nous avons du mal à nous lever, j'ai dû arrêter de conduire, je craignais mes réflexes, oui nous avons envie d'une sieste, oui «ELLE » nous bouffe, oui, sur nos visages, l'extérieur ne voit pas que nous sommes des malades ! ALORS me direz-vous ?? C’est ce que nous faisons tous, gérer notre LMC au mieux et espérons  vite, le plus vite possible d'après nos résultats, sortir du tunnel. »

Un grand merci à toutes celles et ceux qui ont pris le temps de répondre !

LMC France vous souhaite à tous, force et santé.

Mina DABAN, Présidente LMC France