EHA 2014 : médicaments génériques en hématologie, sujets jeunes atteints de maladies de personnes âgées, accès aux médicaments, tarification équitable: principaux centres d'intérêt des patients et des cliniciens interrogés dans le cadre de l'événement « Advocacy Track » du congrès 2014 de l'EHA.
Un environnement règlementaire plus rigide pour la recherche clinique, une forte pression sur les coûts au sein des systèmes de santé, ainsi que l'avènement de l'Internet modifient les relations entre prestataires de soins, patients, décideurs politiques et systèmes de santé. En complément du programme scientifique du congrès 2014 de l'European Hematology Association (EHA), cette dernière a remis les patients au centre des débats en consacrant de nouveau une journée entière à un événement d'« Advocacy Track ». Des sujets sensibles, tels que les questions des médicaments génériques en hématologie, des jeunes patients atteints de maladies de personnes âgées, de l'accès aux médicaments et de la tarification équitable, ont été abordés. Les sessions du 13 juin 2014, soutenues par le réseau de défense des patients souffrant de LMC (CML Advocates Network) et par la fondation internationale de la thalassémie (International Thalassaemia Foundation), ont eu beaucoup de succès non seulement auprès des hématologues mais aussi des infirmiers/ères, des chercheurs et des défenseurs des patients, tous ayant participé aux diverses sessions.
La première des deux sessions de défense des patients de l'EHA, organisée par la communauté des patients, a porté sur la question des « médicaments génériques en hématologie : point de vue des médecins et point de vue des patients ». Les médicaments génériques sont de plus en plus importants en hématologie dans un nombre croissant de pays et d'indications pour lesquels les médicaments génériques autorisés par l'EMA ou des médicaments importés et autorisés localement sont mis sur le marché. Cette session était co-présidée par Jan Geissler, du réseau de défense des patients souffrant de LMC et par Androulla Vassilou, de la fondation internationale de la thalassémie.
Le professeur Atholl Johnston, pharmacologue clinique de l'école de médecine et d'odontologie Barts and The London (RU), a traité du problème de la qualité des médicaments génériques, des
médicaments de qualité inférieure et des médicaments contrefaits en l'illustrant à l'aide d'exemples historiques des difficultés rencontrées. Il a conclu son intervention en proposant des
recommandations aux médecins concernant le passage de médicaments de marques à des médicaments génériques, tenant compte des questions économiques et d'observance ainsi que des questions liées à
une surveillance étroite et à la communication.
Le Docteur Mehregan Hadipour, venant d'Iran, a traité des différences entre mythes et réalités en matière de médicaments génériques et des inquiétudes spécifiques des patients dans les pays moins
développés en termes de qualité et de normes réglementaires. Il a rappelé aux ONG et aux organisations de patients leur devoir de lobbying auprès des gouvernements afin d'assurer une qualité
constante des traitements et le recueil de données d'efficacité, de concentration et d'effets secondaires en post-marketing.
Le Docteur Ivana Urosevic, hématologue de l'école de médecine de l'Université de Novi Sad (Serbie), a montré l'importance des médicaments génériques dans la pratique clinique. Après avoir exposé les rapports de cas cliniques publiés à ce jour au sujet de l'imatinib générique, elle a rapporté l'expérience pratique obtenue grâce à des patients souffrant de LMC passés de médicaments de marque à des formes génériques de ce médicament au sein de son centre d'hématologie après l'introduction des médicaments génériques en Serbie en juillet 2012. Compte tenu de certaines incertitudes qui demeurent, elle a suggéré de mettre en place un suivi étroit des patients changeant de médicament ainsi qu'un recueil constant de données cliniques.
Šarūnas Narbutas, Président de la coalition lithuanienne des patients cancéreux (POLA), a pour sa part exposé le point de vue des patients. L'année dernière, la communauté des patients a collecté des données uniques sur les formes génériques des médicaments ciblés actuels, parallèlement à l'avènement de formes génériques plus nombreuses de médicaments anti-cancéreux ciblés au sein de l'Union européenne. Il a illustré son propos avec l'exemple de l'imatinib générique, qui est dès aujourd'hui disponible dans certains pays d'Europe de l'Est, avec une large gamme de tarification dans ces pays. La communauté des patients s'inquiète du manque de données sur la comparabilité de la qualité de vie, de l'efficacité et de l'évolution des pratiques cliniques. Šarūnas Narbutas a souligné ce point en présentant l'appel public du réseau de défense des patients souffrant de LMC à « la qualité et la constance des médicaments génériques » et le « Centre de ressource sur les médicaments génériques dans la LMC », deux initiatives qui visent à plus de transparence dans l'information et à la réduction des risques potentiels courus par les patients.
De nombreuses maladies hématologiques surviennent principalement pendant le troisième tiers de la vie. Pourtant, de nombreux patients jeunes sont amenés à vivre avec ces maladies. La seconde session de défense des patients de l'EHA, présidée par Giora Sharf et Androulla Vassiliou, a porté principalement sur les difficultés spécifiques rencontrées par les patients jeunes souffrant de maladies de personnes âgées, sachant que l'espérance de vie, la qualité de vie, les opportunités d'emploi et les perspectives familiales de ces jeunes patients peuvent être très différentes.
Le Docteur Michael Michael de la fédération internationale de la thalassémie (Grèce), a proposé une introduction à cette question en exposant le point de vue de patients jeunes atteints d'anémies
chroniques rares. Il a expliqué leurs frustrations et les problèmes qu'ils rencontrent dans le long processus diagnostique en tant que patients jeunes souffrant d'une maladie de personnes âgées.
Suite au diagnostic, ces sujets réalisent leur fragilité et leurs limites ; l'évolution constante du traitement de cette maladie leur a fait prendre conscience de leur chance, leur a permis de
vivre plus longtemps que prévu, et même de fonder une famille.
Maréad Ní Chonghaile, de l'hôpital Saint-James de Dublin (Irlande), a ensuite abordé les questions de la sexualité, de l'estime de soi, de la fertilité et de la planification familiale dans le
cadre des maladies hématologiques, et a décrit comment aborder ces problèmes en conseillant les patients, en leur transmettant des informations à jour et en aidant les professionnels de santé à
répondre aux besoins des patients jeunes.
Le manque de transparence dans la tarification des médicaments a suscité beaucoup de réprobation par le passé et, face aux restrictions budgétaires importantes qui touchent le domaine de la
santé, ce problème est de plus en plus d'actualité.
Le symposium conjoint EHA-ASH a traité de la question hautement controversée de la tarification des médicaments innovants. Richard Bergström, Directeur Général de la Fédération européenne des
associations de l'industrie pharmaceutique (EFPIA) et Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé (France), ont échangé leurs points de vue sur le coût des médicaments innovants,
les coûts de recherche et de développement, la valeur de l'innovation et les difficultés rencontrées par les systèmes de santé dans leur recherche d'un équilibre entre l'accès des patients aux
médicaments et les budgets disponibles. Le débat qui a suivi a clairement montré que la controverse autour de la tarification des médicaments restera un sujet de préoccupation et d'inquiétude,
principalement du fait que la politique actuelle de tarification des médicaments deviendra inabordable à l'avenir, comme a conclu l'un des participants au débat.
Des inégalités sont présentes au sein de l'UE et selon les caractéristiques des patients. Ainsi, certains traitements pourront ou non être disponibles selon la région géographique, l'âge du
patient ou la couverture offerte par le système de santé. Les patients les plus âgés peuvent être à la fois moins informés et plus réticents à remettre en question les décisions thérapeutiques
prises par les cliniciens, tandis que les cliniciens eux-mêmes peuvent mener une politique consciente ou inconsciente de restriction des options thérapeutiques offertes aux personnes âgées. Ce
phénomène résulte peut-être d'une prise de conscience que les ressources ne sont pas illimitées et qu'il est nécessaire de rationner partiellement.
La disponibilité croissante d'informations sur les traitements nouveaux et efficaces, grâce à l'Internet, a de plus en plus souvent pour conséquence que, même si les patients âgés eux-mêmes ne
sont pas bien informés, des membres de leur famille peuvent être bien placés pour prendre leur défense. Dans le cadre de cette session avec jeux de rôles, un débat très vivant sur la
non-disponibilité de certains traitements potentiellement plus efficaces a été lancé entre le clinicien et le conjoint d'un patient. Les problèmes d'éligibilité affectant les patients âgés
pourraient bien être influencés aussi par l'attitude des cliniciens et des patients.
Au cours de la dernière session « Advocacy Track » de l'EHA, le problème important du futur de la recherche en hématologie a été abordé par l'EHA. l'EHA est actuellement à l'initiative de la création d'une feuille de route pour la recherche sur les affections hématologiques en Europe, la « Roadmap for Research in Hematology in Europe ». Cette feuille de route a été présentée par le professeur Andreas Engert de la clinique universitaire de Cologne (Allemagne) et président du groupe de travail Research Roadmap de l'EHA. Ensuite, Marc Lawer, de l'alliance européenne pour une médecine personnalisée (EAPM, European Alliance for Personalised Medicine), a présenté une « Perspective de la médecine personnalisée ». Hele Everaus, de l'Université de Tartu et membre du groupe consultatif Horizon 2020 pour la santé, le changement démographique et le bien-être de DG Research (Estonie), a présenté une « Perspective à l'horizon 2020 ». Enfin, ces présentations ont été complétées par le point de vue des patients, exposé par Karen van Rassel de la coalition lymphome (Lymphoma Coalition).
Traduction effectuée par :
Source :
CML Advocates network
Jan Geissler et Giora Sharf
Congrès de la Société Américaine d’Hématologie - EHA 2014