Paroles d'expert autour de la LMC

Le Docteur Franck Nicolini

Accompagner les progrès thérapeutiques en toute sécurité

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Franck Nicolini - LMC et progrès thérapeutiques

Praticien hospitalier au CHU de Lyon dans le Service d’hématologie clinique du Pr Mauricette Michallet, le Docteur Nicolini est depuis douze ans responsable du programme LMC. Il a précédemment exercé au CHU de Grenoble, à Vancouver (Canada) au Terry Fox Laboratory
(Laboratoire de recherche sur les maladies du sang) et deux ans au CHU de Bordeaux.

Pouvez-vous évoquer l’évolution de la prise en charge de la LMC ?

J’ai vécu toutes les évolutions de la prise en charge de la LMC depuis 25 ans : l’allogreffe, l’Interféron, l’autogreffe, les débuts du Glivec dans le cadre de l’essai IRIS en 2000, et les nouvelles thérapeutiques Tasigna, Sprycel et Ponatinib.

Tout a changé : nous ne disposions que d’un seul traitement en 2003 et nous avons aujourd’hui accès à cinq médicaments différents.

Et tout change encore très vite depuis deux ans : nous disposions d’ITK uniquement en deuxième ligne il y a deux ans et, aujourd’hui, nous pouvons prévoir de faire bénéficier certains patients d’une interruption de traitement. Nous ne pouvions pas l’imaginer il y a seulement cinq ans.

Une contrepartie à l’accélération de ces progrès ?

La prise en charge se complexifie, mais elle apparaît plus facile pour le patient car il peut bénéficier de plus de choix de traitements, adaptés à son cas particulier. Il ne faut pas vouloir néanmoins aller trop vite, mais savoir évaluer et prendre le recul nécessaire afin de garder une certaine sérénité dans les traitements. Nous avons une responsabilité primordiale face à nos patients et ne devons pas les mettre en danger. Nous devons rester très vigilants quant à la surveillance et à l’évaluation des effets secondaires des nouvelles thérapeutiques à moyen et à long terme, chez les patients en phase chronique, et aussi chez les patients qui évoluent en aigu ou ne répondent pas aux traitements.

La pharmacovigilance ?

Les effets indésirables graves sont très bien renseignés lors des essais cliniques académiques et de l’industrie pharmaceutique. Le lien de suivi des effets indésirables après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché est moins étroit. Il se fait dans le cadre de déclarations auprès des centres de pharmacovigilance régionaux, puis sont colligés au niveau national. Les médecins y sont très attentifs mais sont surchargés. Tous n’ont pas toujours la disponibilité requise pour saisir les informations et les retransmettre. Le système de pharmacovigilance en France n’est pas conçu pour faciliter le recueil. Une aide plus importante de la part des pharmaciens en particulier de ville pourrait être très utile.

La tolérance des nouvelles thérapeutiques ?

Grâce aux treize années de recul avec le Glivec, on peut affirmer qu’il n’y a pas d’effets indésirables graves à moyen/long terme avec cette molécule. On ne peut préjuger aujourd’hui de la tolérance des nouvelles thérapeutiques à long terme.
Toutes les observations et données sont régulièrement collectées et analysées au sein du groupe scientifique académique national. Elles nous permettent d’effectuer des recherches de facteurs spécifiques et de publier nos observations, ainsi que de renseigner les bases de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Au regard de l’échelle européenne, la France a instauré un niveau élevé de pharmacovigilance actuellement. Les agences sanitaires, les sociétés scientifiques et les professionnels de santé sont très impliqués sur cet enjeu et assument leurs responsabilités en matière de sécurité des patients.

Comment se déroulent les examens et le suivi de la LMC aujourd’hui ?

Le diagnostic repose sur les résultats de trois examens, en dehors de l’examen clinique et de la numération des globules :

  1. Le myélogramme ;
  2. L’analyse chromosomique ;
  3. La biologie moléculaire qui renseignera sur l’anomalie en cause. Le marqueur moléculaire de la maladie sera suivi tout au long de celle-ci et permettra de guider la thérapeutique appropriée pour le patient.


Les examens sont renouvelés à 3, 6, 9, 12 et 18 mois de traitement, puis tous les six mois ensuite quand tout va bien. Nous disposons de clignotants d’efficacité à chaque point qui nous permettent de juger si le patient se trouve en situation de réponse optimale ou non. Une fois l’analyse chromosomique de la moelle normalisée, le suivi moléculaire s’effectuera sur une simple prise de sang. Il devra être régulier (au minimum tous les 6 mois), pour apporter la certitude que la maladie est bien stabilisée.

Le traitement est prescrit pour six mois et la biologie moléculaire sera évaluée à chaque renouvellement du médicament. En cas de signes d’évolution, le rythme de surveillance sera bien sûr modifié et rapproché avec un bilan tous les trois mois ou plus si nécessaire, selon les cas.

Le respect précis du calendrier est fondamental pour le suivi optimal de la maladie et surtout pour dépister précocement les patients qui ne répondent pas bien ou pas du tout, afin de leur proposer différentes alternatives thérapeutiques maintenant disponibles.