Paroles d'experts autour de la LMC

Le Docteur Aude Charbonnier

La prise en charge des patients atteints de LMC : quelle vision pour les 5 ou 10 prochaines années ?

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Dr. Charbonnier interviewée par LMC France

Le Docteur Aude Charbonnier est hématologue depuis une vingtaine d’années à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille. Praticien hospitalier dans l’unité spécialisée dans le traitement des leucémies, elle est responsable de la prise en charge des LMC.

 

Elle partage son activité entre les soins et la recherche clinique. Aude Charbonnier est aussi Présidente du Comité Scientifique LMC France et membre du Fi-LMC.

Comment voyez-vous aujourd’hui la prise en charge de la LMC ?

« Maladie chronique au bon pronostic à la condition d’un traitement adapté et suivi, la LMC bénéficie d’une prise en charge particulière au sein des traitements des hémopathies malignes. Il existe des recommandations internationales de traitement et de suivi, publiées et remises à jour régulièrement, qui représentent un guide technique à la prise en charge de la LMC.


Les patients doivent pouvoir s’appuyer sur un accompagnement vigilant d’équipes médicales expertes, dont les préoccupations concerneront autant la réponse thérapeutique que l’aide à l’observance et à la conservation d’une bonne qualité de vie.

Les essais cliniques proposés dans les centres de référence lors de l’initiation du traitement, ou en cas de nécessité de modifications thérapeutiques, visent à élaborer progressivement les meilleures stratégies thérapeutiques adaptées aux différentes situations et aux différents traitements disponibles.
Pour les patients bons répondeurs, les médecins experts en LMC doivent régulièrement évoquer les possibilités d’amélioration de réponse afin de viser un arrêt thérapeutique éventuel au sein d’essais cliniques. Les dossiers des patients moins bons ou non répondeurs doivent être discutés régulièrement au sein d’équipes pluridisciplinaires ou entre experts de la LMC. Les hématologues ont l’obligation de pouvoir proposer à ces patients de nouvelles stratégies thérapeutiques, éventuellement au sein d’essais cliniques, ce qui nécessite leur prise en charge (ou au minimum la discussion de leur dossier) au sein de structures spécialisées.


Les progrès dans la prise en charge actuelle de la LMC s’appuient enfin sur l’amélioration du suivi biologique de la maladie. Les outils calibrés de biologie moléculaire, grâce à un travail d’homogénéisation des techniques et de standardisation des résultats, sont une base indispensable à l’évaluation régulière et interprétable des réponses au traitement. La situation géographique des laboratoires homologués, à l’instar de celle des médecins experts, peut être un écueil à une prise en charge idéale.

Qu’envisagez-vous dans les cinq ou dix prochaines années ?

Offrir une possibilité de bonne réponse à tous les patients et s’orienter vers un arrêt de traitement pour le plus grand nombre, sont à mon avis les deux axes de travail majeur. Ils se rejoignent dans l’objectif de ciblage de la cellule souche leucémique, responsable de la persistance de la maladie chez la plupart des patients.
Les questions à résoudre :

  1. Doit-on donner à tous les patients dès le départ de leur prise en charge, le traitement le plus puissant dont les effets secondaires au long cours ne sont pas connus, ou bien doit-on individualiser plusieurs groupes à risques différents et adapter les stratégies thérapeutiques en fonction des risques ? Comment identifier au mieux les patients à risques, comment améliorer leur détection précoce ?
  2. Quelles stratégies innovantes développer pour les patients non répondeurs ? Comment positionner l’allogreffe au sein des stratégies thérapeutiques ?
  3. Comment améliorer la qualité de vie et l’observance des patients ? Comment homogénéiser les prises en charge et les suivis ?
  4. Comment éradiquer la maladie ?

 

Les pistes à suivre :
La recherche fondamentale sur les cellules souches leucémiques est un axe majeur de travail dont les objectifs sont l’amélioration des réponses et l’éradication de la maladie leucémique.


En ce qui concerne la grossesse :
La LMC est devenue une maladie chronique, concernant de ce fait des femmes dont le désir de grossesse peut être respecté. Toutes les thérapeutiques utilisées sont contre-indiquées au premier trimestre de la grossesse. Des recommandations précises de stratégies thérapeutiques adaptées sont nécessaires.

Quels messages souhaitez-vous transmettre ?

Aux patients : soyez vigilants et acteurs de votre prise en charge, soyez observants. Votre hématologue va vous accompagner tout au long de votre vie, choisissez-le, renseignez-vous, afin d’établir une relation d’échange où toutes vos questions seront entendues. Soyez confiants mais vigilants ; de nombreuses recherches sont en cours et des progrès sont attendus.


Aux médecins traitants, aux pharmaciens d’officine et aux autres acteurs de santé : maillons clef dans l’observance, la détection des effets secondaires, l’aide à la tolérance, la surveillance des interactions médicamenteuses… vous contribuez à l’observance et à la réussite des traitements.


Aux autorités de santé : les hématologues spécialistes de la LMC ont une importante file active de patients et il leur est difficile de prendre en charge dans les meilleures conditions souhaitées le suivi de la tolérance et de l’observance au traitement. Un transfert de tâches vers d’autres acteurs de santé formés serait très utile dans l’aide au suivi. Par ailleurs des collaborations pourraient être facilitées entre médecins ou spécialistes des différentes problématiques rencontrées : utilisateurs d’un médicament partagé par différents spécialistes, spécialistes confrontés à une même problématique, spécialistes des différents effets secondaires des ITK.

 

Extrait du Livre Blanc des États généraux de la LMC