Paroles d'experts autour de la LMC

Le Professeur Philippe Rousselot

L’éducation thérapeutique en hématologie : un sujet de recherche

Professeur Philippe Rousselot LMC France leucemie myeloide chronique hématologue ITK cancer education therapeutique patient expert
Pr. Philippe Rousselot et Mina Daban

Hématologue au Centre hospitalier de Versailles, le Professeur Philippe Rousselot a vingt années d’expertise en hématologie.

 

Vice-Président du groupe Fi-lmc, en charge des essais cliniques, il a récemment coordonné l’essai académique de dasatinib en première ligne «optim dasatinib».

L’éducation thérapeutique a-t-elle un rôle à jouer dans la LMC ?

L’éducation thérapeutique en hématologie reste à ce jour un sujet de recherche. Il existe une fréquente assimilation entre éducation thérapeutique et consultation d’annonce. Ces deux démarches sont pourtant bien distinctes : la consultation d’annonce est menée avec une infirmière dédiée. Elle vise à apporter au patient des informations sur sa maladie et à lui présenter son parcours personnalisé de soins. Elle permet d’ouvrir le débat et d’élargir la vision du patient en lui procurant un nouveau cadre relationnel au-delà de son seul hématologue. Il s’agit d’une obligation réglementaire de l’INCa pour les spécialités d’oncologie et d’hématologie, mais qui requiert des moyens organisationnels ; sa mise en œuvre n’est pas encore systématique.

Si l’éducation thérapeutique (ETP) fait partie de la vie courante dans le cadre de certaines pathologies, elle reste encore embryonnaire en oncologie et hématologie. Comme la consultation d’annonce, elle délivre des informations mais l’ETP répond à d’autres objectifs de formation et d’éducation par l’ajout d’un programme interactif auquel le patient est invité à participer. L’ETP répond de plus à un projet qui est établi patient par patient ou par groupes de patients. Elle se déroule dans le cadre de séances dédiées, en dehors du temps de consultation.

L’impact de l’ETP dans la LMC reste à évaluer

La LMC est en soi une maladie candidate pour l’ETP car elle concerne des patients suivis en ambulatoire en consultation. Le traitement est per os et une mauvaise compliance peut être responsable d’échecs thérapeutiques, l’espérance de vie des patients est élevée et les marqueurs moléculaires de réponse aux traitements sont bien standardisés. Les enjeux sont aussi bien réels : une meilleure gestion des traitements et des effets secondaires, l’obtention d’une bonne réponse et l’absence de progression de la médecine.

Cependant, si les bénéfices secondaires de l’ETP dans la LMC semblent évidents si l’on considère la satisfaction des patients avec une amélioration de leur compréhension de la maladie voire de leur qualité de vie, l’objectif premier d’un impact sur l’observance et la qualité de la réponse moléculaire restent à démontrer. L’Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP) s’est d’ailleurs saisi de ce problème de l’évaluation des programmes d’ETP. Seule cette démonstration d’impact sur le contrôle de la maladie pourrait argumenter en faveur d’un déploiement large de l’ETP dans la LMC.


L’ETP n’est aujourd’hui validée par son efficience en santé publique que dans quelques pathologies tels le diabète, l’asthme ou les coronaropathies. L’ETP en hématologie et dans le cas précis de la LMC reste donc un sujet de recherche ; elle doit faire ses preuves en complément de la consultation d’annonce.

Un projet d’évaluation de l’ETP

Au vu de ce constat, le Docteur Aude Charbonnier (IPC, Marseille) et moi-même avons déposé un projet d’évaluation de l’ETP dans la LMC. Il s’agit d’une étude randomisée comparant après consultation d’annonce, deux groupes de patients bénéficiant soit d’un programme d’ETP d’emblée au décours du diagnostic, soit secondairement après 6 à 12 mois de traitement. Les critères d’évaluation portent sur les différences d’observance et de réponses entre les deux groupes.

Si la consultation d’annonce favorise la rencontre du patient avec l’infirmière et l’équipe de soins, la prise en charge de la LMC reste encore très centrée sur l’hématologue. Nous nous réjouissons que le patient puisse avoir d’autres interlocuteurs non médicaux comme l’infirmière avec laquelle il peut aborder avec d’autres mots sa maladie, son vécu et ses traitements. Cette interactivité favorise sa relation de confiance avec toute l’équipe.

La LMC doit être désacralisée afin que sa prise en charge devienne plus large et non assumée par le seul hématologue qui devient en pratique le médecin traitant du patient. Or l’hématologue doit gérer une augmentation de la prévalence de cohortes de patients. Un relais avec le médecin de ville est possible, nous devons faire comprendre qu’il n’y a pas à avoir peur et qu’il est possible de gérer au quotidien un traitement de la LMC en coordination avec l’hématologue. Un effet vertueux de l’ETP serait que le patient bien éduqué pourrait tout à fait informer des enjeux de son traitement et favoriser le lien avec son médecin traitant.

 


Extrait du Livre Blanc des États généraux de la LMC