Congrès ASH 2011

Formation sur la LMC - ASH 2011

ASH - Société Américaine d’Hématologie

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe
ASH 2011

Traditionnellement, le premier jour du Congrès de la Société Américaine d’Hématologie (ASH) est consacré à des sessions de formation. Ces sessions offrent aux hématologues l’image globale d’une maladie spécifique, notamment au niveau biologique, de la prise en charge, des problèmes thérapeutiques rencontrés, des résultats des récents essais et des perspectives. Cette année, le Professeur Neil Shah (Etats-Unis), le Docteur Andreas Hochhaus (Allemagne) et le Docteur Junia V Melo (Australie) ont présenté un état des lieux du traitement et des soins en matière de leucémie myéloïde chronique (LMC).

 

Le Professeur Neil Shah (Etats-Unis) : "Traitement optimal de première intention et options pour les patients résistant aux ITK administrés en première ligne".

ASH 2011 Professeur Neil Shah LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe
Professeur Neil Shah

Une grande réussite, mais pas pour tous les patients : le professeur Shah a commencé par mettre en évidence les résultats des 8 années de l’étude IRIS, au cours desquelles seulement 7% des patients atteints de LMC sont décédés de leur maladie alors qu’ils étaient traités par de l’Imatinib en traitement de première intention. Les effets indésirables sévères ont été extrêmement rares et leur incidence a diminué au cours des 2 premières années. Cependant, il a fait remarquer que 37% des  patients participant à l’étude devaient suivre des traitements alternatifs de la LMC en raison d’une absence de réaction, d’une résistance ou d’une intolérance, avec des manifestations de la progression de la maladie survenant surtout au cours des 3 ou 4 premières années du traitement. Les mécanismes de résistance sont variables, avec des mécanismes BCR-ABL dépendants comme la mutation du domaine kinase, l’amplification génomique ou les mécanismes de transport des substances médicamenteuse ou des mécanismes BCR-ABL indépendants comme la modification épigénétique ou l’activation d’autres voies dans la division cellulaire.

 

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe


Les étapes du traitement : Le Professeur Neil Shah a souligné les recommandations du Réseau Européen des Leucémies (RLN) relatives au traitement, mettant en évidence les étapes en termes d’échec et de réponse sub-optimale. Faute d’obtenir une réponse optimale, ce qui est le cas pour environ la moitié des patients souffrant de LMC en phase chronique au cours des 18 premiers mois, la probabilité de survie est fixée à 5 ans après une diminution du diagnostic de 96 à 74%. Il a été souligné que la diminution de BCR-ABL au-dessous de 10% au cours des 3 premiers mois de traitement est associée à de meilleurs résultats.


Meilleures réponses : L’étude française SPIRIT avait mis en évidence de meilleures réponses par l’ajout d’Interféron pégylé, tandis que l’étude allemande CML-IV ne démontrait aucune amélioration par l’ajout d’Interféron  standard (non-pégylé). En examinant les médicaments de deuxième génération (Dasatinib, Nilotinib) en traitement de première ligne, il a été démontré de façon évidente que les taux de progression vers la phase avancée de la maladie étaient beaucoup plus faibles sous Nilotinib et sous Dasatinib que sous Imatinib, tandis que la tolérabilité était comparable.


Les nouveaux ITK fonctionnent-ils mieux que l’Imatinib ? La question à un milliard de dollars reste toujours sans réponse. Alors que de toute évidence, l’efficacité reste supérieure, le problème des effets indésirables (comme l’allongement de l’intervalle QT, les épisodes artériels sous Nilotinib, ainsi que l’hypertension pulmonaire sous Dasatinib), ainsi que le problème économique (les deux médicaments sont beaucoup plus chers que l’Imatinib) restent encore à évaluer davantage.


Les médicaments de seconde génération coûtent plus cher. Cependant, ils présentent des économies substantielles de coût, comme des progressions moins élevées vers des phases blastiques coûteuses, moins de diagnostics nécessaires par des réponses cytogénétiques complètes plus rapides et un potentiel plus élevé d’interruption du traitement en cas de réponse moléculaire complète.


Cependant, le fait de savoir si des réponses plus rapides se traduiraient en une meilleure survie et le fait de savoir si le traitement de première ligne par Dasatinib ou Nilotinib est supérieur au passage précoce dans le cas d’une réponse sub-optimale à l’Imatinib, reste encore à démontrer. Pour éclaircir ces questions, les études s’en chargeront :
   • patients à passage précoce avec >10% de BCR-ABL après 3 mois de       traitement
   • traitement d’induction initiale par Nilotinib/Dasatinib puis retour à l’Imatinib
   • interruption des ITK chez les patients présentant une réponse moléculaire majeure


En conclusion, au cours de  la prochaine décennie, on assistera peut-être à l’émergence de nouvelles stratégies curatives, mais pour y parvenir, l’indéfectible participation des  patients aux essais cliniques est fortement encouragée.

Le Docteur Andreas Hochhaus (Allemagne) : "Gérer la LMC comme une maladie chronique".

ASH 2011 Docteur Andreas Hochhaus LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe
Docteur Andreas Hochhaus

Le Docteur Andreas Hochhaus a montré les immenses progrès réalisés en matière de traitement de la LMC. Grâce à une espérance de vie proche de la normale, 250.000 Européens souffrant ou ayant souffert de LMC, seront encore vivants en 2050. Il a souligné le fait que les modèles conceptuel de phase chronique, accélérée et blastique pouvaient être dépassés par un modèle linéaire d’évolution de la maladie d’une instabilité croissante. Pour étayer ces affirmations, Hochhaus a présenté les récents résultats obtenus sur les différences d’impact en cas de différents types de modifications chromosomiques sur la survie en cas de LMC. Il a souligné les résultats de l’étude allemande LMC-IV qui avaient montré un désavantage significatif au niveau du pronostic si on ne parvenait pas à BCR-ABL <10%  dans les 3 mois qui suivaient le début du traitement.


Diagnostic de suivi : le Docteur Hochhaus a montré que l’analyse cytogénétique de la moelle osseuse ne devait être faite qu’après avoir réalisé une analyse cytogénétique complète et une analyse de  qRT-PCR tous les 3 à 6 mois par la suite. L’analyse des mutations ne doit être faite qu’en cas d’échec du traitement à l’Imatinib ou en cas d’augmentation  >5 fois de BCR-ABL, mais seulement en cas de perte de la réponse moléculaire majeure (0,1%).

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe

Effets indésirables des ITK : Actuellement, les ITK ciblent également d’autres mécanismes que ceux de BCR-ABL. Ces effets extérieurs sont la cause de manifestations indésirables souvent signalées dans les cas de LMC :


   • Cytopénies, provoquées par l’inhibition des BCR-ABL/KIT/SRC de tous les ITK
   • Effets immunitaires provoqués par l’inhibition des ABL, SRC de tous les ITK, surtout par le Dasatinib
   • Rétention de liquide (oedème), provoquée par l’inhibition du PDGFR et des SRC kinases, surtout par l’Imatinib et le Dasatinib
   • Dysfonctionnement cardiaque et modifications cutanées, provoqués par l’inhibition des KIT  
   • Hypophosphatémie et effets sur les os, provoqués par l’inhibition des mécanismes de remodelage osseux, de densité corticale et de croissance des os
   • Taux de glucose, avec inhibition de KIT et de PDGFR, diminution des taux de glucose par l’Imatinib et augmentation par le Nilotinib, intéressant pour les patients diabétiques
   • Diarrhée


Transplantation dans le cadre d’une LMC : Aujourd’hui, la LMC ne compte que pour 3% des transplantations, ce qui démontre la réussite des traitements actuels. Cependant, le Docteur Andreas Hochhaus a souligné que, actuellement, les transplantations effectuées chez les patients à haut risque souffrant de LMC étaient généralement effectuées trop tardivement. Il a évoqué le fait que dans les pays à faibles revenus, les coûts de transplantation pouvaient être moins élevés qu’un traitement à vie par ITK.


Observance thérapeutique : Plusieurs facteurs conduisent à la non-observance thérapeutique. Andreas Hochhaus a mis en évidence les résultats de l’étude d’observance thérapeutique faite par le réseau des défenseurs de la LMC (CML Advocates Network), selon laquelle un cinquième des patients atteints de LMC reconnaissaient ne pas suivre régulièrement le traitement, et 7 sur 8 déclaraient qu’il s’agissait d’oublis. En termes d’outils permettant d’améliorer l’observance thérapeutique, il a insisté sur le fait que les patients n’avaient pas envie qu’on leur rappelle au quotidien qu’ils souffrent de LMC

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe

Grossesse : Des données relatives à 180 grossesses chez des femmes sous Imatinib ont été étudiées. 63 ont mis au monde un enfant en bonne santé, 35 ont opté pour l’interruption volontaire de grossesse, 12 présentaient des anomalies fétales et 18 grossesses se sont interrompues spontanément. Sur 60 grossesses générées par des hommes souffrant de LMC,  il n’a été déclaré aucun problème de contraception, de grossesse, d’accouchement ou de malformation congénitale, sauf le cas d’une famille où les deux fils ont été victimes de la même malformation.

 

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe

Pour les femmes qui souhaitent avoir un enfant, on a suggéré qu’il était souhaitable d’avoir réalisé au moins 24 mois de réponse moléculaire majeure avant la conception. La maladie pouvait être contrôlée par PCR. Aucun traitement n’était conseillé en cas de réponse moléculaire majeure et il était possible d’appliquer de l’Interféron-alpha au 2ème trimestre en cas d’augmentation de la PCR. L’allaitement n’était pas conseillé.


Accompagnement des patients : le Docteur Andreas Hochhaus a souligné que la communauté LMC était un extraordinaire exemple d’accompagnement des patients, qui n’était pas fréquent pour de nombreux autres cancers. Les défenseurs des patients souffrant de LMC sont devenus les partenaires crédibles des médecins et de l’industrie, ainsi qu’une voix politique indépendante permettant d’accéder au diagnostic, au traitement, au remboursement et aux informations destinées aux patients.

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe

Perspectives de gestion de la LMC : le Docteur Andreas Hochhaus a conclu que les futures stratégies de traitement de la LMC pourraient présenter une approche en trois phases :
   • Une thérapie d’induction avec l’inhibiteur de BCR-ABL le plus actif ou une combinaison d’inhibiteurs jusqu’à la réalisation d’une réponse moléculaire profonde (MR4 ou MR4.5) pendant plus de 2 ans,
   • Puis une phase de consolidation de la réponse pendant plus de 2 ans, ciblant la maladie résiduelle avec un profil de toxicité acceptable,
   • Suivie d’une interruption des ITK soit sans traitement soit avec maintien de l’Interféron.

Le Docteur Junia V Melo (Australie) : "Maladie résiduelle minimale et interruption du traitement. Peut-on tendre vers la guérison ?".

ASH 2011 LMC Docteur Junia V Melo leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe
Docteur Junia V Melo

Au cours de son exposé, le Docteur Junia V. Melo a souligné que la "guérison opérationnelle", avec la LMC sous contrôle tout en poursuivant le traitement, n’était considérée que comme une réussite partielle. En voici les raisons :


   • Toxicité chronique qui a un impact sur la qualité de vie
   • Toxicité tardive d’un traitement de longue durée
   • Coût financier
   • RMM  latente


Qualité de la vie : Concernant le problème de la toxicité, le Docteur Junia V. Melo a souligné la récente étude sur la qualité de la vie faite par le groupe italien d’étude, mettant en évidence le fait que les patients souffrant de LMC déclaraient souffrir (par ordre d’importance) de fatigue, de crampes musculaires, de douleurs musculo-squelettiques, d’oedèmes, de problèmes cutanés, de diarrhées, de céphalées, de douleurs abdominales et de nausées.


Effet sur les coûts : Le coût financier d’une "guérison opérationnelle" continue à être important – l’étude française STIM (arrêt de l’Imatinib) avait estimé une économie de 4 millions d’euros sur les frais de médicament pour les seuls participants à l’essai.


La transplantation des cellules souches permet-elle d’envisager sérieusement la guérison ?  En observant la transplantation allogène de cellules souches, le Docteur Junia V. Melo a remarqué qu’en raison de taux de mortalité de 30 à 50% en 5 à 10 ans, le fait que la GvHD soit "le prix élevé à payer" ainsi que la persistance d’un faible niveau de BCR-ABL après transplantation chez environ un tiers des patients soulevait la question de savoir à quel point les patients étaient réellement guéris lors d’une rémission complète après transplantation.

 

ASH 2011 LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe

Les ITK peuvent-ils être un facteur de guérison ? Le Docteur Junia V. Melo a mis en évidence les résultats de l’étude française STIM (arrêter l’Imatinib) au cours de laquelle 59% des patients sous Imatinib avaient perdu une réponse moléculaire complète au bout de 18 mois et dans une autre étude d’arrêt, 36% avaient perdu une réponse moléculaire majeure aux ITK de 2ème génération. Les rechutes semblent associées à la durée du traitement avant son interruption ainsi qu’aux scores de Sokal. En outre, une étude récente a révélé que pratiquement tous les "patients non détectés par PCR" restaient positifs à l’aide de la PCR sur ADN, plus sensible, soulevant le problème que "la réponse moléculaire complète" pourrait bien être une promesse trompeuse.


Pour évaluer cette possibilité, le Docteur Junia V. Melo a expliqué les récents modèles de dynamique de la réponse des ITK, en soulignant que la réponse des ITK pouvait suivre trois phases, avec un très fort déclin initial des cellules différenciées de la LMC, puis une éradication des cellules d’origine de la LMC, suivie d’une lente diminution des cellules souches résiduelles de la LMC dans un sous-ensemble de patients, menant potentiellement à la destruction des cellules souches de la LMC avec un traitement ITK à long terme. Cependant, les raisons de la variabilité de l’observation sont inconnues et peuvent résulter d’une compliance incohérente, d’une faible résistance ou d’une hétérogénéité des caractéristiques de la maladie.

 

ASH 2011 cellules souches LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe

Cibler les cellules souches : quatre stratégies sont actuellement examinées par les chercheurs avec de nouveaux médicaments :

   • Inhiber le renouvellement autonome des cellules souches
   • Inverser l’inactivité, pour les rendre susceptibles de subir un traitement par ITK,
   • Induire la différenciation des cellules souches qui deviennent fonctionnelles
   • Induire la mort cellulaire des cellules souches

 

ASH 2011 Shah Melo Hochhaus LMC leucemie guerison cancer traitement espoir lmc leucémie myéloïde chronique leucemie aigue sang moelle greffe
Shah / Melo / Hochhaus

En bref, le Docteur Junia V. Melo a conclu que les traitements d’arrêt pouvaient être une option pour une minorité de patients atteints de LMC – même si on ne connait toujours pas la durée “suffisante” de la réponse moléculaire complète pour y parvenir. Pour tous les autres patients, de nouveaux médicaments ou des approches immunologiques sont nécessaires pour cibler sélectivement les cellules souches de la leucémie ainsi que les nouvelles mesures de diagnostic pour contrôler l’effet de ces traitements.

 

 

Traduction effectuée par LMC France

  Source : CML Advocates network

Giora Sharf (photos), Jan Geissler (report)

San Diego, 13 Dec 2011